La Constituante entre l’engouement pour l’instrument démocratique et les craintes pour la durée du processus
Vendredi, 09 Septembre 2011 13:50
TUNIS (TAP) – A sept semaines des élections de l’Assemblée nationale Constituante, les avis sont partagés sur la mission, les prérogatives et la durée du mandat de cette instance qui sera élue au suffrage universel.
Les divergences pourraient s’accentuer, à la suite du lancement lundi 6 septembre d’une initiative en faveur de l’organisation, parallèlement aux élections de la Constituante, le 23 octobre prochain, d’un référendum sur la durée du mandat et des prérogatives de cette instance.
Des partis politiques et des représentants de la société civile plaident pour la délimitation de la durée de la mission de la Constituante à 6 mois pour l’élaboration de la Constitution.
Selon cette initiative encore en gestation, la Constituante doit jouer le rôle d’une «instance de contrôle» de l’action du Gouvernement provisoire et préparer les élections présidentielle et législatives, dans un délai n’excédant pas les six mois. Le décret-loi relatif à l’élection de la Constituante fixe ce délai à une année.
L’enjeu est d’autant plus important pour ces élections, que le nombre de sièges à pourvoir pour la Constituante est de 218 sièges dont 19 réservés aux tunisiens à l’étranger.
Les enjeux de cette première expérience dans l’histoire de la Tunisie après le 14 janvier rendent légitimes les appels réitérés pour la définition des prérogatives et la fixation de la durée du mandat de la Constituante.
Certains observateurs se demandent si la Constituante sera dissoute au terme de ce délai une fois sa mission est accomplie et si son pouvoir sera illimité?
Pour le spécialiste en droit public Chafik Sarsar, «le pouvoir constituant est initial, légitime et absolu». Ce constat s’inscrit dans le droit-fil du préambule du décret-loi précité qui stipule que la création de cette Assemblée vient « »rompre avec les pratiques de l’ancien système politique fondé sur la tyrannie, le non respect de la volonté populaire, l’illégitimité du pouvoir et la falsification des élections ».
Le recours à l’option de la Constituante est venu réaffirmer «la fidélité pour les principes de la révolution du peuple tunisien visant à instaurer une légitimité fondée sur la démocratie, la liberté, l’égalité, la justice sociale, la dignité, le pluralisme, le respect des droits de l’homme et l’alternance au pouvoir».
Etayant cette idée, l’expert en droit constitutionnel Ghazi Gherairi a affirmé que «la révolution a apporté une nouvelle légitimité qui doit être consolidée par une nouvelle légalité». «Quelle que soit la voie empruntée, l’essentiel est d’aboutir à une nouvelle Constitution», a-t-il soutenu.
La Constituante est «un bon choix» a-t-il conclu. «Elle représente l’instrument le plus démocratique pour élaborer une Constitution et exprime politiquement une hygiène démocratique» a estimé Ghazi Gherairi qui, à ses yeux, la Constituante est le «socle de la nouvelle légitimité politique».
Selon M. Mouldi El Fehem, membre du bureau exécutif du Parti démocrate progressiste (PDP), la Constituante peut «former un Gouvernement de coalition et désigner un président intérimaire qui se chargeront de la gestion des affaires courantes, de la définition de la politique économique et sociale et de l’élaboration des stratégies de développement».
Cette mission devra se dérouler sous le contrôle de l’instance élue par le peuple durant son mandat, a-t-il fait valoir. Cependant, M. El Fehem n’a pas exclu la possibilité pour l’Assemblée Constituante de reconduire l’actuel gouvernement de transition qui serait appelé à gérer les affaires publiques sous son contrôle, dans la mesure où «ce Gouvernement a réussi jusqu’ici à surmonter plusieurs difficultés».
Quant au Secrétaire général du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT) Hamma Hammami, il s’est prononcé contre le «scénario» du maintien de l’actuel Gouvernement après les élections» qu’il a qualifié d' »illégitime », en plus de «son appartenance à l’ancien régime et de son incapacité à gérer la phase de transition et à répondre aux revendications du peuple». «Bref, l’Assemblée doit élaborer une nouvelle Constitution et désigner une autorité exécutive de transition», a-t-il soutenu.
Le porte-parole du Mouvement «Ennadha» Noureddine B’hiri a considéré que la Constituante est «souveraine», estimant que «Le prochain gouvernement ne doit pas être un gouvernement majoritaire mais un gouvernement consensuel ».
Selon lui, le choix des ministres dans le prochain gouvernement doit se faire sur la base de la «compétence». «Les ministres qui ont eu des responsabilités dans l’ancien gouvernement peuvent y faire partie à condition qu’ils ne soient pas impliqués dans des affaires de corruption», a-t-il averti.
Les positions concernant la durée de la mission de l’instance élue par le peuple sont unanimes: Tous s’accordent à dire qu’elle ne doit pas dépasser une période de six à un an. N’empêche que des craintes ont été exprimées sur les garanties relatives à la durée du mandat. C’est pourquoi des voix se sont élevées appelant à opter pour la voie référendaire afin de statuer sur la question.
Me Noureddine B’hiri a estimé que «la durée de l’action de l’Assemblée prendra le temps qu’il faut pour parachever sa mission». « Je pense qu’elle ne dépassera pas une année à une année et demi», a-t-il rassuré.
«Je ne suis pas inquiet quant à l’issue du processus de création de la Constituante», a indiqué l’expert en droit constitutionnel Ghazi Gherairi.
C’est sur la base des équilibres politiques que la majorité gouvernementale va se constituer, a-t-il ajouté, estimant indispensable «de faire confiance à ce processus, d’autant que le système électoral ne permettra pas à un parti d’avoir la majorité des sièges. «La réussite de la Constituante dépendra des résultats du scrutin et des alliances qui vont se former au sein de cette instance», a-t-il conclu.