Le transport public en commun: un calvaire au quotidien

TUNIS (TAP) – Faouzia, 48 ans, cadre dans une société privée, est obligée de prendre chaque jour, deux moyens de transport, métro et bus, pour arriver à son lieu de travail. Elle  assure qu’elle « vit un véritable calvaire au quotidien ».

« Chaque jour, il me faut deux heures à l’aller et deux heures pour le retour, c’est exténuant, c’est stressant et ça devient pire en hiver… Je trouve souvent des difficultés pour rejoindre mon travail », enchaîne-t-elle sur un ton amer.

Dès l’aube, les stations de transport public et les gares du Grand Tunis, district comptant une population d’environ 2 millions 500 habitants, sont envahies par une foule hétérogène de citoyens. Ils ont tous le même souci, le même souhait, voir le train, le bus ou le métro, arriver à l’heure.

Car, pour Faouzia, le défi quotidien est d’arriver à l’heure à son bureau, alors qu’elle doit prendre chaque jour, un bus qui est « la plupart du temps plein à craquer de passagers, et qui, parfois, ne s’arrête pas à toutes les stations ».

« Il y a des jours ou je suis obligée de sortir avant la prière d’El fajr (05h00) pour gagner un peu de temps », a-t-elle dit. « Même les bus privés, d’habitude plus confortables (TUS-TUT) et ponctuels que les fameux bus jaunes, affichent, la plupart du temps, l’inscription « complet », sur leurs pare-brise », regrette-t-elle.

La TRANSTU, première société de transport urbain dans le Grand Tunis, assure, à elle seule, 11 mille voyages quotidiens (aller et retour) sur les lignes régulières et quelque 1320 voyages sur les lignes réservées au transport scolaire et universitaire (environ 257 bus).

Pour une grande partie des usagers du transport en commun, ces voyages ne sont « ni ponctuels ni confortables ». « N’ayant pas le choix, ils acceptent cette situation et vivent les retards des bus et l’encombrement, comme une fatalité », déclare indigné, Kamel, un cadre âgé de 32 ans.

« Matin et soir, le même spectacle pénible se répète, les bus sont souvent pris d’assauts par des dizaines, voire des centaines de personnes, créant de grandes bousculades dans les stations d’arrêt », lâche-t-il d’un ton réprobateur.

Cette scène se répète chaque jour en « l’absence de toute sécurité et de tout confort, sans oublier les imprévus, tels que les pannes », a-t-il renchéri.

Emergence d’un mode de transport non organisé

Obligée de se déplacer par bus pour arriver à la grande surface ou elle travaille comme caissière, Naïma, 42 ans, indique qu’elle passe, parfois, une heure entière à attendre dans une station, l’arrivée du fameux bus jaune, « sans que ce dernier ne fasse son apparition ».

« Plusieurs fois, raconte-t-elle, soucieuse d’accomplir mon pointage administratif, je prends un taxi qui me coûte cher et que je n’est pas les moyens de payer chaque jour ».
Et la quadragénaire d’ajouter « c’est une épreuve quotidienne, qui est à l’origine de l’émergence d’un nouveau mode de transport qui fait peur, dans le contexte actuel, les taxis collectifs et les transporteurs clandestins ».

Pour Fathi, ouvrier âgé de 55 ans, « ce sont les moins aisés et ceux dont les moyens financiers sont très limités, qui souffrent le plus des défaillances du transport en commun, puisqu’ils en dépendent ».

« Personnellement, comme je ne peux pas prendre un taxi ou même avoir recours au transport privé (TUT, TUS…), je me trouve obligé de me réveiller très tôt, à 4h00, pour pouvoir prendre facilement, le premier bus ».

Sans avoir d’autres choix, Ines et Marwa, deux étudiantes passent deux heures, chaque jour, pour arriver à leur domicile.

La fatigue et le stress qu’elles vivent à cause des longues heures d’attente, les bousculades et les éventuels ratages de bus, font qu’elles « ne trouvent même pas la force de réviser à la fin de la journée ».

« Nous étions soulagées de voir les choses changer après la révolution, mais voici qu’on vit le même calvaire. Pis encore, la situation ne cesse de s’aggraver », rétorquent elles.

 Assurer la fluidité du trafic n’est pas une tâche facile

Le directeur de la communication et des relations extérieures à la TRANSTU, M. Mohamed Chemli, explique à la TAP, l’origine des maux du transport en commun. « Il s’agit d’un patrimoine urbain, hérité du colonialisme ». « La centralisation de tous les centres névralgiques, des services et des établissements publics, fait que toutes les prestations de transport, passent par le Grand Tunis ».

« Même avec l’extension urbaine et l’émergence de zones périphériques dans la capitale, le modèle urbain n’a pas changé, dit-il. »Au contraire, il est resté dépendant du centre ville, ce qui a créé une saturation au niveau des voies urbaines, reliant le centre, aux zones limitrophes ».

L’encombrement, les retards et la perturbation des horaires des bus, résultent, aussi, d’après M. Chemli, de l’absence de couloirs réservés uniquement aux bus. En Tunisie, les routes parcourues par les bus, représentent seulement 2 pc de l’ensemble des routes nationales.

Par ailleurs, le responsable suggère la mise en œuvre de la stratégie élaborée, avant la révolution, pour le prochain plan directeur régional du transport, laquelle prévoit l’aménagement de 96 voies pour les bus, pour un coût estimé à environ 50 millions de dinars.

« Le transfert d’une partie des activités économiques et administratives, vers les périphériques et l’adoption de nouveaux horaires administratifs et scolaires pour éviter les heures de pointe, pourraient décongestionner le trafic ».

Pour le directeur de la TRANSTU, le système de la « séance unique », avec « un horaire aménagé à partir de 7h pour les ouvriers et de 9h pour les cadres », constitue, aussi, une solution.

 Réduire l’encombrement à l’intérieur des bus

« Dans le souci d’améliorer les conditions de déplacement par bus, la TRANSTU envisage de renouveler son parc vétuste. Elle va acquérir 182 nouveaux bus, d’ici fin 2011, dont 74 seront immédiatement mis en service. La Société dispose déjà de 1173 bus, dont 318 articulés, couvrant 219 lignes de transport dans le Grand Tunis »,  précise-t-il.

« Les récentes extensions des lignes du métro léger (2007-2009) vers la région d’El Mourouj et du Campus de la Manouba outre la mise en place, prochainement, du Réseau Ferroviaire Rapide (RFR), vont  contribuer à l’amélioration des services de transport en commun ».

Au-delà des chantiers techniques et logistiques, beaucoup reste à faire pour améliorer les relations entre les « transporteurs et les usagers », fait remarquer le responsable.

« Sur ce plan, les départements concernés et les sociétés de transport envisagent d’opter pour un système de programmation du trafic, à travers l’observation et le contrôle du respect des horaires et la réalisation des enquêtes sur terrain ».

Au niveau de la TRANSTU, « le nouveau système de Géolocalisation par satellite (GPS), actuellement en phase d’expérimentation, sera, bientôt, mis en exploitation et permettra de dissuader tout dépassement », rassure M. Chemli.

Dans la même optique, un centre d’appel fonctionnel au numéro « 1845 », est mis au service pour que les citoyens puissent, dorénavant, intervenir, signaler les défaillances, exprimer leurs besoins et proposer des solutions.