Procès Chirac: le parquet demande la relaxe

Le parquet de Paris a requis sans surprise la relaxe de Jacques Chirac et de l’ensemble des prévenus lors du procès des emplois fictifs de la Mairie de Paris.

«Les éléments manquent pour caractériser tant l’aspect intentionnel que matériel d’une infraction, c’est pourquoi je requiers la relaxe des dix prévenus». Le réquisitoire des substituts du procureur Michel Maes et Chantal de Leiris n’a pas surpris ceux qui suivent depuis de nombreux mois les méandres de l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris. Le parquet avait déjà requis un non-lieu en fin d’instruction en 2009, alors que le procureur de Paris était Jean-Claude Marin, haut fonctionnaire au ministère de la Justice entre 2002 et 2004, sous le second mandat de Jacques Chirac à l’Elysée. Pour les substituts, il n’y avait ni système frauduleux, ni magouilles mafieuses, mais des «manquements» passibles tout au plus de sanctions administratives ou financières mais pas pénales. «On ne peut pas tout archiver», a ainsi expliqué Chantal de Leiris. «Le seul fait qu’on n’ait pas de bureau, pas de téléphone et pas de traces écrites d’un travail n’est pas suffisant pour parler d’emploi fictif», a surenchéri Michel Maes. Et ces derniers de détailler chaque emplois présumés fictifs.

Des rires dans la salle

Concernant les employés basés en Corrèze et travaillant dans le village d’Ussel à la permanence du député Chirac, il s’agissait d’un «télétravail» pour la Ville de Paris, ont décrit les procureurs. Pour une secrétaire mise au service d’un dignitaire RPR au siège du parti chiraquien : «Elle travaillait au RPR faute de locaux disponibles à l’Hôtel de ville». Les employés d’une cellule préélectorale installée boulevard Saint-Germain et qui préparaient la présidentielle de 1995 ? Le procureur a expliqué qu’il s’agissait en fait de travailler au rayonnement international de Paris. Pour une femme rencontrée dans une réception et embauchée pour rédiger des notes de lecture pour le maire, dont aucune trace n’a été retrouvée, sa bonne foi a été retenue par le ministère public au motif qu’elle a remis aux policiers une liste de livres qu’elle dit avoir lus. Une seule fois, le procureur Maes a relevé une «éventuelle» infraction, l’embauche du garde du corps du dirigeant syndical Marc Blondel, qui a fait rembourser le préjudice par son syndicat Force Ouvrière. Ce dernier avait reconnu les faits.

Rires gênés dans la salle. Indignation de la seule partie civile toujours présente au procès, l’association anti-corruption Anticor, qui voit dans ce réquisitoire la preuve de l’incongruité du statut du ministère public, censé parler au nom de la société, mais lié par son statut au pouvoir exécutif, dont il reçoit des ordres.

Le 23 septembre prochain, les juges du tribunal correctionnel de Paris rendront leur verdict. Premier ex-chef d’Etat français appelé devant un tribunal pénal, Jacques Chirac est poursuivi notamment pour «détournement de fonds publics» dans un dossier visant 28 emplois présumés fictifs à l’Hôtel de ville de Paris de 1992 à 1995, quand il a été le maire de 1977 à 1995. Dans un premier temps, l’ancien président de la République, qui a été excusé pour raisons médicales, avait été renvoyé fin 2009 devant le tribunal correctionnel de Paris pour «détournement de fonds publics et abus de confiance» dans un premier dossier concernant 21 emplois de «chargés de mission» à son cabinet de maire de Paris de 1992 à 1995. Ces «employés municipaux» sont suspectés de n’avoir effectué aucune tâche liée à la mairie de Paris, mais d’avoir travaillé pour le RPR ou même directement pour Jacques Chirac dans l’exercice d’autres fonctions que celles liées à son mandat de maire. Neuf autres prévenus seront jugés dont les ex-directeurs de cabinet de l’ancien maire de Paris, Michel Roussin et Rémy Chardon, le petit-fils du fondateur de la Ve République Jean de Gaulle et l’ancien secrétaire général du syndicat Force ouvrière Marc Blondel. Entamée en 1998, l’enquête a longtemps été paralysée du fait de l’immunité dont bénéficiait Jacques Chirac en sa qualité de président de la République. Ce dernier, aujourd’hui âgé de 78 ans, a toujours nié son implication et même toute malversation organisée.

Dans le cadre d’un second dossier instruit à Nanterre (Hauts de Seine) et concernant sept personnes rémunérées par la Ville de Paris entre 1990 et 1995, Jacques Chirac avait de nouveau été renvoyé en correctionnelle. Dans ce volet de l’affaire, déjà jugé en première instance et en appel, plusieurs condamnations avaient été prononcées en 2004 et 2005, notamment à l’encontre de l’ancien Premier ministre et aujourd’hui ministre de la Défense Alain Juppé. Ce dernier, qui cumulait les fonctions de secrétaire général du RPR et d’adjoint aux Finances de Jacques Chirac à la Ville, avait écopé en appel de 14 mois de prison avec sursis et un an d’inéligibilité pour «prise illégale d’intérêt». Le cas de l’ancien président (1995-2007), qui avait simplement été entendu en juillet 2007 en tant que «témoin assisté», avait été disjoint dans l’attente de la fin de son mandat présidentiel. En théorie, Jacques Chirac encourt jusqu’à dix ans de prison et dix ans d’inéligibilité automatique.Point final

 

actu-match | mardi 20 septembre 2011