Twitter, nouvelle arme des jihadistes
De Jabhat al-Nusra en Syrie à al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), les terroristes utilisent de plus en plus Twitter pour diffuser leur message.
« Twitter est devenu le nouveau forum de la propagande jihadiste et, plus important encore, un espace de liberté pour les internautes extrémistes », explique le Centre de lutte contre le terrorisme dans un récent rapport, intitulé « Tweeter pour le califat ».
En publiant des liens sur Twitter, les réseaux terroristes comme AQMI, Jabhat al-Nusra et al-Shabaab sont en mesure d’orienter leurs adeptes vers des vidéos sur YouTube et vers d’autres médias pour faciliter leurs campagnes de recrutement.
« Ces jihadistes ont décidé de s’engager dans l’action violente physique après avoir été actifs au sein des bastions virtuels d’al-Qaida, où l’exposition aux médias a eu un impact sur leurs vies personnelles et sur l’idée qu’ils se font de la conduite religieuse », souligne ce rapport daté du 25 juin.
Selon Abdelhamid al-Ansari, spécialiste touareg de la sécurité, cet intérêt pour les nouvelles formes de communication n’est pas nouveau pour al-Qaida.
Le groupe terroriste a en effet toujours utilisé les dernières technologies « pour faire passer son message de la manière la plus efficace possible, au moindre coût pour ses partisans et ses dirigeants, et pour recruter le plus grand nombre possible de jeunes ».
Al-Qaida et ses affiliés « ont commencé à utiliser les e-mails avant même la prolifération des sites web », a expliqué al-Ansari à Magharebia.
« Avant cela, ils utilisaient les fax et les journaux », poursuit-il. « On l’a vu dans la manière dont le jihad a commencé en Algérie. Si nous nous penchons sur l’histoire d’al-Qaida, l’organisation-mère en Afghanistan, avant qu’elle ne fasse l’objet de poursuites dans le monde entier, nous constatons qu’ils utilisaient déjà des journaux et des publications. »
« Tout cela montre qu’al-Qaida a toujours cherché les meilleurs moyens de communiquer avec ses membres et ses recrues par le biais des technologies modernes, en dépit des restrictions et de la surveillance. Cela nous aide à comprendre le proverbe selon lequel nécessité fait loi. Al-Qaida est dans le besoin constant de communiquer et invente en permanence de nouveaux moyens et mécanismes pour contourner la censure », poursuit-il.
Al-Qaida s’appuie sur des gens ayant de très bonnes connaissances en technologie pour faire passer son message, a confirmé Syed Ahmed Ould Atefal, un journaliste qui a rencontré de jeunes terroristes recrutés en Mauritanie.
« En réalité, ces gens bénéficient d’un statut à part au sein de l’organisation terroriste, pour la simple raison qu’al-Qaida est un monde virtuel, et que ce monde virtuel est bien plus vaste que son monde réel », ajoute-t-il. « Ses membres sont parfaitement au courant des nouvelles méthodes de communication et possèdent une expérience considérable en matière de cryptage de messages. »
Et Ould Atefal d’ajouter : « Cet intérêt pour les nouvelles technologie atteint désormais toutes les branches d’al-Qaida, mais la branche maghrébine est spécifique en ce que les jeunes Algériens, Marocains et Tunisiens sont les plus compétents en matière de piratage et de techniques furtives. »
Le professeur et politologue Ahmed Ould Ammar a expliqué qu’al-Qaida accordait également une attention toute particulière au contenu de ses messages en ligne.
« Les éléments expérimentés d’al-Qaida postent des tweets destinés aux jeunes des pays opprimés, qui considèrent l’Occident comme la cause de l’injustice et de l’oppression dont ils souffrent. Ces jeunes sont ainsi prêts à réagir », explique-t-il. « Ils ciblent également une autre catégorie de la jeunesse, ceux qui sont issus de groupes ethniques marginalisés et ont atteint un degré avancé de frustration et de sentiment d’injustice. Ce groupe est prompt à envisager la confrontation pour laisser éclater sa colère. »
« C’est ici qu’al-Qaida joue pleinement son rôle, en orientant ces sentiments selon un schéma qui débouche sur des jeunes parfaitement convaincus qu’al-Qaida est le sauveur ultime », explique ce professeur.
Al-Qaida, ajoute-t-il, cherche à « plaire pour endoctriner les jeunes sur Twitter ». Et en lisant les tweets postés par ces jeunes, les terroristes peuvent ainsi précisément cibler leurs objectifs de recrutement.
« Ils sont toujours à la recherche de jeunes dont les tweets expriment une forme de rébellion contre la société », ajoute cet universitaire.